Garrigue ... The Meaning of Life.

Publié le 23 Juillet 2012

Il faut faire sauter ce qui se fige, ce qui pèse et qui s'installe. Perséverer dans la percée. Ne pas craindre le chagrin d'une ébréchure. Renverser père et mère pour le bonheur d'une ascension.  [Martine Le Coz]

Il faut faire sauter ce qui se fige, ce qui pèse et qui s'installe. Perséverer dans la percée. Ne pas craindre le chagrin d'une ébréchure. Renverser père et mère pour le bonheur d'une ascension. [Martine Le Coz]

L'odeur, la lumière, la douceur du printemps nous enveloppaient, tandis que bruissaient sous nos pas, les vestiges de l'automne.

Nous étions 4 amies, seules au monde, perdues dans ce paysage calcaire puissant et sans âge. Nous ne faisions que passer.

Nous étions aussi sur le territoire du loup, Cette connaissance rajoutait à mon ivresse.

telle Ladyhawke, je m'imaginais louve, assise sur ce promontoire calcaire, les clochettes des chèvres demi sauvages tintant au loin. Tous mes sens étaient en éveil, je me faisais l'effet d'une néandertalienne. J'y pensais dans un sourire.

Longtemps, nous bavardâmes, sur nos vies banales.

Puis, il était temps de quitter ce miracle de la nature, ce sublime.

A quelques pas de là, nous vîmes les traces de sang, à peine sèches sur la roche, les poils voletant autour. Notre hôte alla compter les chèvres, il en manquait une. Le Loup, bien sûr, Le loup... Nous en frémissions ....

Nous redescendimes, le coeur lourd de cette vision qui pourtant s'harmonisait parfaitement avec cette nature sauvage et secrète.

En bas de la colline, un homme, la soixantaine, sec comme un cep de vigne, le visage taillé dans le calcaire des montagnes,, apparut au loin, accompagné de son border sang mêlé. Il était le gardien des chèvres, l'homme à tout faire, le vrai maître des lieux.

Je ne sais pourquoi, je ressentis une tendresse immédiate pour lui.

Notre hôtesse lui raconta notre découverte sanguinolente de citadines

et avant même qu'il ne parle, je compris. Et j'abjura le ciel qu'il se taise pour épargner mes compagnes.

Et non, homme hors des conventions de la ville, il s'engagea avec volubité, et mimant de ses mains, dans la description de l'égorgement de la biquette à même le sol des collines, et les yeux gourmands, se délecta de nous raconter le festin qu'ils en avaient fait avec ses amis; " Des bêtes comme celle-ci, vous n'en trouverez jamais chez le boucher... et en plus gratuit !!! ... Pourquoi j'irais payer de la mauvaise viande en ville ?? !!! .... Hein ??!!! .. Mes biquettes, elles mangent le meilleur, elles sont libres .... de la bonne viande, je vous dis !!!", sa main s'attardant sur sa bouche, ses yeux levés vers le ciel, dans une mimique de délectation.

Mes compagnes palissaient à vue d'oeil, et il en prenait un plaisir délicieux. Tandis que moi, je tentais de retenir un fou rire irrépressible, et les mines déconfites de mes camarades ne m'aidaient guère. Son regard aiguisé avait reconnu en moi une complice potentielle. Je l'aimais cet homme. Je l'aimais pour son instinct de paysan malicieux, qui s'amusait avec nous, en rajoutant dans les détails de ce qui fait la vie et la mort dans les collines.

Cette terre, lui seul, la comprenait, elle lui appartenait comme elle appartenait au loup et chèvres sauvages, au romarin, et au thym. Nous n'étions que des intruses qui nous pensions des élues.

J'aurais aimé rester avec cet homme pour parler ou plutôt pour l'écouter, lui qui était un livre vivant, que j'aurais feuilleté pour connaître tous les parfums, les histoires de cette Terre du Sud que j'aime tant.

Mais, mes compagnes avaient déjà fui au loin. Je ne pouvais m'attarder, et avec regret, je les suivais, alors que mon âme restait auprès de l'homme. Elles étaient bouleversées par tant de cruauté et de barbarie. Je mesurais alors le gouffre qui me séparait d'elles. et pour la première fois, ce jour là, je ressentis le goût de l'amertume.

Cette journée fut décisive.

Je sais depuis qu'une amitié ne peut se construire que sur le partage des mêmes valeurs, sinon, il faut se taire et est-ce vraiment de l'amitié ??

Je conserve aussi de ce jour, le souvenir tendre d'un homme sans entrave, en harmonie avec la Terre et tous ses secrets que je ne pourrais qu'effleurer, Et je l'enviais, comme je n'avais jamais envié personne. Vivre dans les collines sauvages, belles et cruelles, n'appartenir qu'à elles, libre de toute attache, savourant les parfums, le vent, la chaleur de l'été, l'air glacial de l'hiver, et la chèvre égorgée le matin même.

Rédigé par Le Coeur Au Bout des Doigts

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